Jean SOUGY († 2019)

Né en Beauce, Jean Sougy fut initié aux sciences naturelles par son père Paul, professeur de sciences naturelles au lycée d’Orléans où en 1942, ce dernier participa à la rénovation du Muséum des Sciences naturelles créé depuis 1823.

Dans ce cadre, Jean mena ses études de géologie au sein de l’École nationale supérieure de géologie de Nancy, où il fut formé par Marcel ROUBAUD, et dont il obtient le titre d’Ingénieur géologue en 1951.

Affecté à Dakar au service des Mines d’Afrique-Occidentale-Française, il entreprend dès 1955 sa thèse de doctorat sur les formations paléozoïques du Zemmour Noir, en Mauritanie, jusqu’à sa soutenance en 1961.

Sur le terrain en Mauritanie, vers 1960.

À la suite de cette thèse, il définit en 1964 un nouveau tronçon de la chaîne hercynienne, les Mauritanides, qui pouvait ainsi être rattachées aux Appalaches américaines, séparées de la plaque africaine par l’ouverture de l’Atlantique.

D’un esprit naturaliste parfaitement éclectique hérité de son père, et suivant les traces et le modèle de Théodore Monod (dont on reparle par la suite), Jean a aussi multiplié les observations sur la préhistoire et la botanique dans cette région mal connue : « Jean Sougy était un homme de terrain acharné, comme le montrent ses remarquables carnets de mission. Il ne se contenta pas de mener à bien des travaux de géologie structurale et minière, il fut aussi, comme on le demandait à l’époque à ceux qui étaient encore dans les années 1950 des « explorateurs » , botaniste, cartographe, ethnologue (étude des points d’eau, du peuplement nomade, de la toponymie et du vocabulaire hassaniya du nord mauritanien) et préhistorien (archéologie et rupestres). » (Robert VERNET & Cyrille CHATELAIN[1]). Il a ainsi, entre autres, réalisé entre 1953 et 1956 un herbier totalisant 487 échantillons de plantes, constituant l’une des rares collections répertoriée dans cette zone désertique, où l’observation de la végétation ne peut se faire que durant les très rares années pluvieuses[1]. Sa collection est déposée pour partie au MNHN, l’autre ayant un peu curieusement abouti au Muséum de Clermont-Ferrand.

Il est ensuite nommé professeur de géologie à l’Université de Dakar-Fann, poste qu’il occupe jusqu’en 1966, puis il devient professeur de géologie à l’Université et directeur du laboratoire associé au CNRS n° 132 « Études Ouest Africaines » à la nouvelle Faculté des Sciences et Techniques de Saint-Jérôme de Marseille. Outre l’enseignement qu’il y dispensa, il y poursuivra ses travaux africains sur le Zemmour noir, la dorsale de Reguibat et la région d’Akjoujt.

Tout aussi importantes, mais moins connues, furent ses recherches sur le Maroc central. Entamées dès 1977 en collaboration avec Jacques MULLER, elles permirent sous leur direction commune la soutenance de nombreuses thèses d’étudiants français ou marocains, notamment au sujet des massifs des Djebilet et des noyaux paléozoïques du Haut Atlas.

De 1985 à 2004, il est nommé Secrétaire général de la Commission de la Carte Géologique du Monde, sous l’égide de l’UNESCO. Sa « vision africaine » lui a permis notamment de participer en 1987, avec nombre de géologues de divers pays, à la cartographie tectonique de l’Afrique, qui fut publiée en 2004 et mise à jour en 2010.

Installé depuis 1957 sur la Presqu’île de Giens, à Hyères (83), Jean s’émeut de l’inertie, et même de l’implication directe de la municipalité hyéroise dans le projet de promoteurs immobiliers d’urbaniser les salins de la presqu’île, dont la fermeture était programmée par l’exploitant, et de la défiguration irréversible de ce remarquable environnement qu’il entraînerait. Il mobilise alors quelques influents voisins, comme Théodore MONOD, Édouard SCOTT DE MARTINVILLE et Joseph RIVOIRE, pour, le 8 février 1995, lancer avec eux l’association « Les Amis de la Presqu’île de Giens » (APG), avec pour objectif premier la protection du patrimoine naturel de la presqu’île, étendue par la suite au pays hyérois. Leur plus grande victoire, considérable, fut obtenue en 2006, quand le territoire menacé, c’est-à-dire l’ensemble des salins de Hyères, fut finalement acquis et par conséquent sanctuarisé par le Conservatoire du Littoral.

Depuis, et au-delà de son combat fondateur, les actions et les activités organisées par l’APG, qui survit à son créateur, lui ont permis de fidéliser plusieurs centaines d’adhérents à travers ses conférences, ses excursions, ses publications, ses actions de protection des zones humides, ses animations évènementielles et dans les écoles d’Hyères, ou pour finir l’équipement d’un sentier botanique pédagogique à Giens.

Président fondateur de l’APG, Jean en était aussi l’un des principaux animateurs de terrain.

En février 2016, convaincue par les efforts constants de l’APG au profit de la collectivité, la mairie de Hyères lui propose d’occuper et d’animer les locaux de la Maison municipale de l’Environnement.


Jean SOUGY nous a quittés le 19 janvier 2019.


Michel AUTEM, Jean-Paul CARON, Pierre LAVILLE , Michel VILLENEUVE,
avec quelques emprunts au remarquable article de Robert VERNET et Cyrille CHATELAIN qu’ils ont consacré aux travaux de Jean Sougy en Mauritanie[1].

Ses publications

Cette liste, très partielle, des publications de Jean Sougy est tirée de l’article de Robert VERNET et Cyrille CHATELAIN.

(1952). Rapport de reconnaissance sur le minerai de fer des Sfariat (Mauritanie).
Rapport de la Direction fédérale des Mines et de la Géologie, Dakar.

(1956 ?) Liste des plantes récoltées.
Document dactylographié (déposé à la bibliothèque MNHN) 55 p.

(1962). West African fold belt.
Geological Society of America Bulletin 73 : 871-876.

(1964). Les formations paléozoïques du Zemmour noir (Mauritanie septentrionale).
Étude stratigraphique, pétrographique et paléontologique.

Thèse, 1961, université de Nancy. Annales de la Faculté des Sciences de l’Université de Dakar, 15.

(1969). Grandes lignes structurales de la chaîne des Mauritanides et de son avant pays (socle précambrien et sa couverture infra-cambrienne et paléozoïque), Afrique de l’Ouest.
Bull. de la Société géol. France (7) 11 : 133-149.

(1962). Contribution à l’étude géologique des guelbs Bou-Leriah (région d’Aoussert, Sahara espagnol).
Bull. Soc. géol. France 4 : 436-445.

(1966). Découverte d’une discordance de ravinement dans le complexe de base de l’Adrar mauritanien.
Bull. Soc. géol. France 8(4) : 548-559.

(1969). Présence inattendue de Pinacites jugleri dans un calcaire situé à la base des siltstones de Tighirt (couvinien inférieur du Zemmour noir, Mauritanie septentrionale).
Bull. Soc. géol. France 11(2) : 268-272.

(1969). Grandes lignes structurales de la chaine des Mauritanides et de son avant-pays (socle précambrien et sa couverture infracambrienne et paléozoïque), Afrique de l’Ouest.
Bull. Soc. géol. France 11(2) : 133-149.

(1976). Existence d’une importante tectonique tangentielle avec nappes repliées dans les Jebilet occidentales et centrales (Meseta marocaine hercynienne).
Trav. Lab. Terre ; Saint-Jérôme, Marseille, Fr., (B) 12 :1-41.

(1985). Carte géologique du Maroc au 1/1 000 000.
Notes et Mém. Serv. Géol. Maroc, 260.

(1987). Carte géologique internationale de l’Afrique à I’échelle de I/5 000 000. feuille 2 (Afrique Centre Nord)
CGMW/UNESCO, Paris. (comité de rédaction).

(2014). Les marges préhistoriques du nord-ouest de la Mauritanie : le Tiris et le Zemmour.
Cahiers de l’AARS 17 : 209-246.

(2022). Le site acheulen d’el Beyyed, Mauritanie.
Ikosim 9 : 179-188.

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Notes et références

  1. Robert Vernet & Cyrille Chatelain (2022) Al Yasmina, revue botanique, 3(1). Géologie et botanique : l’apport de Jean Sougy. https://alyasmina.org/alyasmina-2022/sougy.html[][][]