Modèles structuraux pour la biocénose, thèse Pierre Vignes
Avertissement
Même si rien bien sûr ne s’oppose à ce que cette publication, ou plutôt cette somme soit mise entre toutes les mains, il faut tout de même admettre que contrairement aux autres documents présentés sur notre site, elle ne vise pas vraiment le plus grand nombre…
Ici en effet il ne s’agit plus de s’adresser au « grand public », conformément à notre vocation associative, ni même aux amateurs éclairés, mais bien aux chercheurs universitaires, spécialistes de ce qu’on appelle « la phytosociologie » et « la dynamique des populations », c’est-à-dire la science à la fois de la composition des peuplements végétaux et de leurs changements dans le temps et dans l’espace, quelles en sont les modalités, mais aussi les lois et les facteurs déterminants.
Mais pourquoi publier sur notre site un document aussi « pointu » et difficile d’accès pour la plupart d’entre nous ?
À cela il y a au moins deux raisons : la première c’est le poids de la caution scientifique que Pierre Vignes a apportée à l’APG, dès sa création, et par sa seule présence parmi nous. Or sa thèse était devenue inaccessible à ceux qui, n’ayant pas accès à une bibliothèque universitaire, souhaitaient la consulter. En la republiant, nous espérons modestement lui rendre un peu de visibilité, certes limitée à l’audience restreinte de notre site, mais effective, et en comptant sur les Bing, Google et autres moteurs de recherche pour nous aider à la faire émerger du grand chaos cosmique de la Toile…
La seconde raison est tout autre : même s’il se sent quelque peu dépassé par les questions abordées dans cette thèse, nous souhaitons offrir au visiteur non initié, mais curieux, une opportunité de ressentir par lui-même la distance qui sépare un travail scientifique de recherche fondamentale de la documentation « de vulgarisation » qui peut en être dérivée, à l’instar de nos modestes « mini-guides ». Il pourra ainsi mieux apprécier l’effort nécessaire pour mettre à la portée de tous une connaissance scientifique qui, autrement, resterait l’apanage des seuls « savants », alors que sa diffusion la plus large possible doit être envisagée comme l’un des plus grands défis intellectuels de notre époque, facilement obscurantiste et complotiste, face aux défis et aux menaces inouïes qui, à très court terme, s’adressent à la vie sur cette planète et à notre civilisation tout entière.
Et sur ce plan-là aussi, celui de la vulgarisation et de la transmission, l’enseignant d’exception qu’a été Pierre Vignes nous a toujours montré qu’il était un maître.
L’APG
Résumé
En s’appuyant sur l’analyse de cent quarante-trois unités de peuplement, principalement végétales et terrestres, mais aussi marines, grâce notamment à plusieurs méthodes de modélisation originales qu’il a ensuite traduites en autant d’outils informatiques, Pierre Vignes réexamine la notion de biocénose et démontre à la fois son unité, mais aussi sa diversité.
La description de la composition et des changements des peuplements est la base de leur interprétation écologique, qui doit prendre en compte aussi bien l’influence discriminante des facteurs physico-chimiques de l’environnement que les relations de compétition interspécifiques.
Les trois premiers modèles proposés, de nature algébrique et caractérisés par leur ajustement particulièrement étroit aux données expérimentales, décrivent la distribution des espèces dans l’espace et dans le temps, selon les saisons, mais aussi comment elles se répartissent la biomasse.
Le quatrième modèle, de nature qualitative, repose sur une classification standardisée des types biologiques au sein du règne végétal, terrestre et marin. Il tend à démontrer qu’à l’occasion d’une amélioration des conditions environnementales, toutes les zonations, spatiales donc, mais aussi les successions temporelles (« séries dynamiques ») s’ordonnent au sein d’un même schéma et selon trois axes : biomasse, longévité et rangs taxonomiques des espèces dominantes.
Mots-clef : biocénoses, peuplements, populations, dynamique, successions, distributions, flore, biodiversité, phytosociologie, France, Provence, sud-est, modèles.
La postface Pierre Vignes
Bienvenue à vous!
Ma Thèse, aboutissement de 25 années de recherches et soutenue en 1988 à Marseille-Saint-Jérôme, est mise inconditionnellement à la libre disposition de tout organisme public sans but lucratif et de tout particulier qui se sentirait concerné.
Elle décrit certaines tendances générales, jusque-là méconnues, dans l’organisation spatiale et temporelle des groupements végétaux terrestres et marins. Des aspects particuliers de l’ordre universel de la Nature sont révélés à partir de situations objectives sur le terrain, de leur traitement statistique banal, traduit sous forme de graphiques appropriés. Thème par thème, les figures obtenues se montrent apparentées. Leur similitude, comme leurs différences, sont génératrices d’explications précises dans la relation de cause à effet entre les plantes et les facteurs environnementaux.
Par exemple la courbe du graphique polaire, représentant le cycle annuel collectif de floraison d’une association végétale, est toujours une ellipse dont la forme, les dimensions et l’orientation de l’axe principal, révèlent les conditions climatiques locales mieux que ne le ferait une station météo permanente installée sur place.
Les résultats enregistrés me sont tout de suite apparus d’une clarté remarquable. Pourtant je ne pouvais pas m’en satisfaire. Ils risquaient de sembler à autrui « trop beaux pour être vrais », arrangés complaisamment pour favoriser la démonstration d’une idée préconçue. En raison de ce souci, j’ai très tôt pris deux résolutions :
– Primo, utiliser le plus possible des relevés déjà publiés par d’autres naturalistes qui ne pouvaient pas prévoir le nouvel usage que j’en ferais plus tard et qui sont devenus à leur insu mes témoins, sinon infaillibles, du moins d’une neutralité garantie.
– Secundo, prolonger le traitement statistique par une modélisation algébrique, en créant les logiciels informatiques appropriés, avec une automatisation poussée de tous les actes, y compris le traçage de courbes, pour éviter des effets – même innocents – d’enjolivement par l’opérateur.
De ce fait ma thèse a été alourdie de toute une méthodologie que le lecteur trouvera complexe, fastidieuse, et qu’il aura raison de zapper. En allant plus loin que strictement nécessaire, mes recherches crédibilisent une fois pour toutes des méthodes d’approche simples, mais que nul ne peut plus s’autoriser à déclarer simplistes. Donc faites des statistiques basiques! Tracez et lissez des courbes à main levée! Interprétez-les en vous fiant à votre bon sens! Notre monde est suffisamment riche de diversité, sous tous ses aspects (pas seulement mesurée à la longueur des inventaires), pour que l’on y trouve indéfiniment matière à s’émerveiller, sans mysticisme, comme des enfants.
Bonne chance à tous dans notre combat partagé pour le progrès du savoir!
Pierre Vignes.
Remerciements
Merci aux trois botanistes varois Georges Rebuffel, Henri Michaud et Vincent Blondel qui ont procédé à la numérisation de cette thèse.