Dans son contexte géographique exceptionnel, Hyères est une commune à la fois continentale, péninsulaire et insulaire. Le partage des terres et des eaux y est presque aussi compliqué qu’au temps du Chaos !
Les étangs sont cernés par des sansouires, encore appelées prés-salés, c’est-à-dire des étendues plates, généralement exondées, mais qui tout de même peuvent être plus ou moins régulièrement inondées par les eaux marines ou saumâtres. Elles se caractérisent par une formation végétale très particulière, constituée principalement de roseaux, de joncs et de salicornes, qui recherche des milieux humides tout en tolérant bien la présence du sel (végétation « halophile »).
La Salicorne (Salicornia europaea et S. fruticosa) est un arbrisseau ligneux dont les jeunes tiges, aux feuilles presque avortées, sont faites d’une succession d’articles charnus qui lui donne un aspect boudiné. Elle doit son aspect faciès de « plante grasse » à la rétention de l’eau, due au sel qu’elle accumule dans ses tissus.

Les dunes des flèches littorales du double « tombolo », notamment la plus étroite du côté ouest, sont des milieux de vie encore plus ingrats où la soif des plantes, liée à la charge du sol en sel marin après évaporation, est aggravée par la perméabilité du sable et sa surélévation. La plus belle parure de ces dunes est le Lis de mer (Pancratium maritimum), espèce protégée dont la cueillette est interdite. C’est en réalité une sorte de narcisse qui doit son surnom à sa blancheur éclatante.

La plaine hyéroise était jadis constellée d’étangs, grands ou petits. Le nom de l’aéroport du Palyvestre est une déformation coquette de « paluestre », mot lui-même dérivé de « palu(d) » qui désigne un marais. Hors des pistes, le terrain n’y est d’ailleurs pas entièrement asséché.
Ailleurs, plusieurs étangs persistent. Les plus vastes sont celui des Pesquiers, en grande partie transformé en un marais salant dont l’exploitation a été abandonnée en 1995, et celui des Vieux Salins. Aujourd’hui constitués en réserves intégrales de biodiversité, ils hébergent une faune et une flore adaptées aux zones humides saumâtres. La population la plus visible est celle des oiseaux, dont la vedette incontestée auprès des touristes est certainement le Flamant rose (Phoenicopterus roseus). Si on voulait en faire une caricature pour amuser les enfants, on pourrait dire de ce volatile hors normes que c’est un canard déguisé en héron : il emprunte au second ce que La Fontaine nommait « longs pieds, long bec et long cou », mais il possède aussi du premier les pattes palmées et le bec lamelleux, adapté à la filtration des petits organismes vivants dans la vase et qui constituent l’essentiel de son alimentation. Les flamants cohabitent pacifiquement avec de nombreux autres échassiers et palmipèdes, et plus d’une cinquantaine d’espèces de passereaux et de rapaces.

Quand un groupe de flamants prend son envol, dans une superbe formation en « V », ils ne « ramènent pas leurs trains d’atterrissage », comme le font habituellement la plupart des oiseaux : leurs longues pattes restent dans le prolongement du corps qu’elles équilibrent.
Pierre VIGNES